Pin cembro

Pinacée

Pinus cembra

Arolle, Anale, Ovier, Aolla

Arbre résineux d'une hauteur de 25m à 30m.
Les cônes de 6 à 10cm de long, ne mûrissent que la 3eme année. Ceux-ci poussent vers le haut

Cet arbre a une pousse lente. Il peut vivre 1000 ans.
Bois imputrescible.
Usage : menuiserie, bois tendre servant aux sculptures (Queyras)

Doc



Aiguilles persistantes groupées par 5, vert foncé, denses et rigides, de section triangulaire et d'une longueur de 5 à 9cm.

Cône décortiqué par le Casse-noix moucheté

Les graines sans ailes, sont comestibles.
(Taille : 12mm de long)

Le pin cembro : emblème du Queyras

L'abondance relative du pin cembro en Queyras explique l'épanouissement, entre 1770 et 1830 environ, d'un type de décor remarquable: des compositions de rinceaux de feuillages en bas relief. Une série de meubles et d'objets provenant de Molines étonnent par la qualité de la composition et de l'exécution : les sculpteurs de cette commune ont su donner à leurs motifs de rinceaux et de feuillages stylisés un véritable mouvement qui distingue parfaitement leurs productions de celles des vallées voisines.


Panneau de porte dans une maison de Molines.

"La forêt avait le pin cembro, l'homme la gouge et le canif...
Les deux firent bon ménage."

Le pin cembro, plus connu sous le nom d'arolle, est le bois noble des Alpes. Les anciens coffres des XIV ème et XV ème siècles ont été fabriqués en pin d'arolle. Les Romains l'utilisaient déjà pour ses qualités anti-parasitaires.
Capable de supporter les basses températures hivernales, le pin cembro peut croître encore plus haut que le mélèze, à la limite supérieure de la végétation forestière de la chaîne des Alpes : 2.400 m. d'altitude. On le trouve à l'état isolé, sur les crêtes rocheuses, parmi les éboulis, non loin des glaciers, mais aussi regroupé en forêts, appelées Cembraies. On le rencontre principalement en Haute Tarentaise, dans la vallée de Chamonix, en Haute Maurienne, à Chamrousse, à Belledonne, en Valgaudemar, en Embrunais, en Briançonnais, en Queyras, en Ubaye, dans le Valais (Suisse) et en Val d'Aoste (Italie).
Sa croissance est lente : au bout de 20 ans, il ne mesure qu'un mètre de haut ; il peut atteindre l'âge vénérable de 600 ans. Sa hauteur dépasse rarement les 25 m, mais son tronc continue à croître en épaisseur, pouvant même atteindre 4 ou 5 m. de circonférence. Il offre ainsi une meilleure résistance aux intempéries.
Dans les conditions favorables de la cembraie, le pin cembro présente une forme conique dans sa jeunesse, puis cylindrique avec le nombre des années. Ses branches, solidement implantées tout le long du tronc depuis la base, sont plutôt courtes et redressées aux extrémités. Mais le plus souvent selon son âge et les conditions climatiques dans lesquelles il lutte pour exister, aucun arbre ne présente jamais la même silhouette.
Quand il devient trop vieux ou quand les intempéries ont brisé sa cime, il prend la forme dite "en candélabre ", c'est-à-dire que les branches se redressent verticalement et forment des cimes secondaires, de même diamètre et de même hauteur que la cime principale.


Une autre silhouette typique du pin cembro est celle du port "en étendard " dans les sites exposés au vent, avec des branches très courtes face au vent et au contraire très allongées sur le côté situé sous le vent.
Même avec une cime à demi-morte l'arbre peut vivre encore longtemps. C'est le cas des arbres foudroyés, pour la plupart situés sur les crêtes, dont une ou plusieurs branches continuent à pousser et à fructifier.
A la limite supérieure de croissance de la végétation forestière, les conditions de vie ont été trop dures (avalanches...) pour avoir permis à l'arbre d'avoir un développement normal : le tronc et les branches, tortueux, ont pris une forme générale rabougrie.
Les racines du pin cembro, nombreuses et très étendues, sont souvent apparentes ; elles lui assurent une bonne résistance aux vents et aux avalanches. Cette forme d'enracinement explique sa facilité à croître sur les rochers et présente l'intérêt de maintenir le sol en place.

Son tronc épais et sinueux est souvent noueux. Son écorce est lisse et de couleur gris-argenté quand l'arbre est jeune j ensuite, elle se fissure et finit par devenir écailleuse, couleur gris-brun, avec des poches de résine.
Ses aiguilles sortent de leur gaine groupées par cinq ce qui aide à différencier le pin d'arolle du pin sylvestre qui, lui, n'en compte que deux. De couleur vert-bleuté, longues d'une dizaine de centimètres, elles sont réunies en touffes au bout des rameaux et persistent en moyenne 5 ans ; elles tombent sur le sol par bouquets de cinq aiguilles.
Le pin cembro commence sa fructification au bout d'une cinquantaine d'années. Les chatons mâles et les chatons femelles, situés sur le même rameau, fleurissent entre la mi-juin et la fin août. Les cônes mettent deux ans pour arriver à maturité en automne, mais l'arbre porte toujours une série de cônes mûrs. Ils sont relativement gros, puisqu'ils mesurent en moyenne 8 cm de long sur 5 cm de large. Brun violet, puis brun mat, ils se dressent le plus souvent par deux ou trois au bout des branches du sommet.

Casse-noix mouchetéA la différence des autres conifères, dont les cônes s'ouvrent à maturité pour laisser échapper leurs graines munies d'une ailette qui leur permet d'aller fructifier plus loin sous l'action du vent, le pin cembro possède des cônes qui ne s'ouvrent pas, même en tombant sur le sol, et qui renferment des graines lourdes, sans ailettes. D'où le rôle, longtemps méconnu, d'un oiseau de la famille des corvidés, le casse-noix moucheté, dans sa reproduction. Ce granivore décortique le cône de son bec puissant, en extrait les graines pour se nourrir et faire ses provisions pour l'hiver en les enfouissant dans la terre ou dans l'anfractuosité d'un rocher.

Ces graines se conservent intactes dans le sol avant de germer l'année suivante, si l'oiseau n'est pas venu les récupérer. Ce sont ces réserves perdues ou oubliées qui vont donner naissance à de nouveaux petits pins. C'est ce qui explique que l'on rencontre quelquefois des touffes de jeunes pins d'arolle dont certains pourront même poursuivre leur croissance en restant "soudés ". Ce mode de reproduction est typique du pin d'arolle. On comprend mieux la présence des pins cembro au sommet des crêtes et sur les barres rocheuses.
Les graines contiennent une amande de la taille d'un gros grain de mais. Riches en lipides et en sucres, au bon goût d'amande et de résine, elles sont aussi appréciées par l'homme qui les récolte et les consomme telles quelles ou en confiserie et en pâtisserie. Elles sont bien connues des montagnards qui les appellent ervo, ove ou ovelon. Entreposés à la chaleur, les cônes finissent par écarter leurs écailles, permettant de prendre leurs graines.

Son bois, légèrement rosé, laisse apparaître à la coupe un aubier blanchâtre, d'autant plus fin que l'arbre est vieux. Plus l'arbre est âgé et pris à sa base, plus le bois est rose. La lenteur de sa croissance lui confère une parfaite homogénéité, sans transition entre veines d'hiver et d'été. Tendre, stable, agréable à travailler, c'est un bois recherché pour la menuiserie fine, l'ébénisterie régionale et la sculpture artisanale. Il se prête parfaitement à la sculpture avec un simple opinel et aux tracés au compas. Même ses noeuds peuvent être travaillés. Témoins les nombreux objets ou figurines sculptés par les Queyrassins.

Autrefois, on utilisait le pin cembro pour fabriquer les "modèles ", dans la fonderie, l'industrie automobile, pour les "formes " des chaussures et des gants. Les armoires à linge en pin d'arolle possèdent la qualité d'éloigner les mites et les parasites du bois. Sa bonne odeur persistante (cannelle, vanille) est très appréciée.
Par contre, ce pin est médiocre comme bois de chauffage : il dégage peu de chaleur, laisse peu de braises, et encrasse les conduits de cheminée. Avec ses branches, riches en résine, qui en font un bois "gras", on confectionnait autrefois des torches.

Le pin cembro figure parmi les essences forestières françaises dont la surface de répartition est la plus restreinte, du fait de sa spécificité à ne pousser qu'en altitude et dans les Alpes. C'est ce qui explique qu'il soit souvent ignoré du grand public. Actuellement, il semblerait que l'on assiste à un repeuplement naturel de la forêt en pins d'arolle. Par ailleurs, certains pépiniéristes en assurent la commercialisation.
Pour qui ne le connaît pas, le pin cembro n'a rien d'élégant : "pour survivre, il a dû s'accrocher, se cramponner, en prenant des formes tortueuses sous la poussée de la neige, ou des vents violents. Malgré tout ça, ce lutteur solidement bâti contribue à la beauté du paysage, et dresse sa fière silhouette au sommet des roches abruptes et sur le bord des précipices".

Almanach du vieux dauphinois 1997 (Texte de H. Correvon)