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Cadrans solaires à systèmes horaires superposés
© Paul Gagnaire

Notre modeste cadran de Saint-Franc se prête bien à une explication des avantages qu'offrent les superpositions de différents systèmes horaires.


Ce cadran présente les lignes suivantes :

1 -  lignes horaires classiques d'angle horaire, rayonnant depuis le pied du style polaire et numérotées en chiffres romains de IX à VIII. Comme toute œuvre humaine est imparfaite, nous avons oublié de placer ce VIII entre parenthèses, ce qui, pourtant, s'imposait, puisque le Soleil est toujours couché à VIII h et que cette ligne n'est tracée que pour fermer le dessin d'une façon nette et pour permettre une interpolation à vue entre VII et VIII, le coucher de Soleil le plus tardif se produisant le 21 juin, à VII h 45 m. Cet éventail de lignes horaires est subdivisé par une couronne qui tourne autour du style et marque les demi-heures par des tirets, les quarts d'heure par de gros points.
On observera que cet éventail horaire n'est pas symétrique par rapport à midi puisqu'il ne comporte que trois heures le matin contre huit l'après-midi. C'est là une conséquence de l'orientation sud-ouest du mur : nous avons affaire à un cadran du soir. Le mur perpendiculaire à celui-ci et à droite, porte au contraire un cadran du matin où figurent les heures extrêmes depuis le lever du Soleil mais d'où sont absentes les heures tardives du soir.

2 - les arcs diurnes ou arcs de déclinaison. Il s'agit des trois branches d'hyperboles à branches montantes, séparées par une droite de trois autres branches d'hyperboles à branches descendantes. Ces sept courbes ont pour équations les valeurs suivantes de la déclinaison solaire (ou lunaire) :

- 23° 26' qui correspond au 21 décembre (solstice d'hiver)
- 20° 09' qui correspond au 22 novembre et 20 janvier
- 11° 28' qui correspond au 23 octobre et 19 février 0° qui correspond au 23 septembre et 20 mars (équinoxes)
+ 11° 28' qui correspond au 23 août et 20 avril
+ 20° 09' qui correspond au 22 juillet et 21 mai
+ 23° 26' qui correspond au 21 juin (solstice d'été)

Ainsi sont repérables la montée et la descente du Soleil entre les deux tropiques avec la droite d'équinoxes (équinoxiale ou équatoriale) qui marque le milieu du parcours et signale le transit du Soleil par l'équateur céleste.
On peut dire, avec une approximation de deux ou trois jours, que lorsque la pointe de l'ombre coupe l'une de ces sept courbes, le Soleil change de signe dans le zodiaque, soit de haut en bas Capricorne, Verseau, Poissons, Bélier, Taureau, Gémeaux, et de bas en haut Cancer, Lion, Vierge, Balance, Scorpion, Sagittaire.

3 - réseau italico-babylonique. Deux familles de droites composent une sorte de réseau losangé. Les unes ont une numérotation arabe avec le signe +. Ce sont les heures babyloniques, qui décomptent la durée du jour, d'un lever de Soleil au lever de Soleil suivant, en 24 tranches égales. Le signe + suggère que leur numéro croît à mesure que le temps s'écoule depuis le lever.
Les autres sont dotées d'une numérotation arabe précédée du signe -. Ce sont les heures italiques, qui décomptent le jour en 24 heures, égales elles-aussi, mais depuis le coucher du Soleil. L'heure du coucher porte le numéro zéro ou 24, ce qui est la même chose. Si c'est zéro comme sur ce cadran, il n'est jamais inscrit. L'heure italique zéro est horizontale. Elle se confond avec l'horizon tout comme la babylonique zéro, mais du côté du lever.
Sur ce cadran, on a adopté un usage assez répandu qui consiste à numéroter les italiques non pas par leur vrai numéro mais par son écart à 24. On exprime ainsi non plus le temps écoulé depuis le coucher de la veille, mais le temps qui reste à passer avant le coucher du jour, ce qui justifie la présence du signe -. Ainsi, par exemple, la 23ème italique se numérote - 1 : on en est à une heure du coucher. Italiques et babyloniques se coupent toujours sur les heures rondes et sur les demi-heures TVL, rendant ainsi superflu le tracé de ces dernières.
Si, partant d'une intersection quelconque, on suit l'italique et la babylonique jusqu'à leurs numéros, on obtient la durée du jour clair en additionnant les valeurs absolues des deux chiffres trouvés.
Sur ce cadran, de bas en haut, ces intersections donnent les durées suivantes :

15 heures par 8 et 7, 9 et 6, 10 et 5, 11 et 4, etc.
14 heures par 8 et 6, 9 et 5, 10 et 4, 11 et 3, etc.
13 heures par 8 et 5, 9 et 4, etc.
12 heures par 8 et 4, 9 et 3, etc.
11 heures par 8 et 3, 9 et 2, etc.
10 heures par 8 et 2, 9 et 1, etc.
8 heures par 8 et 1, 9 et 0.

Il est ainsi facile de voir que la durée du jour le plus court vaut 8 h 30 m, tandis que celle du jour le plus long atteint 15 h 30 min. Le jour le plus court va de 7 h 45 à 16 h 15, le jour le plus long de 4 h 15 à 19 h 45. Si l'on numérote l'après-midi non pas de 13 à 24, mais de 1 à 12, comme le matin, la symétrie horaire de ces deux jours extrêmes est alors évidente :

de 4 h 15 à 7 h 45 = 15 h 30 et de 7 h 45 à 4 h 15 = 8 h 30 ; et 15 h 30 + 8 h 30 = 24

Evidemment, on ne s'étonnera pas de constater que sur la droite d'équinoxes, la somme des intersections, en valeur absolue, vaut toujours douze, puisque ces jours-là, la durée du jour clair est de douze heures partout sur le globe.
Il est intéressant d'observer aussi que les intersections qui ne tombent pas sur un arc tracé tombent sur un arc virtuel qui définit une déclinaison solaire telle que, lorsqu'elle est atteinte, la durée du jour clair vaut un nombre entier d'heures.

4 - courbe en 8 sur XII. Cette courbe est une méridienne de temps moyen. La droite verticale XII sur laquelle elle serpente, un peu comme un caducée, marque le temps solaire vrai, local.
Les irrégularités du temps vrai ont conduit à adopter un temps moyen, régulier et « mécanisable » pour l'usage courant et le fonctionnement des montres et des horloges.
La courbe en 8 est donc une figuration de l'équation du temps (inversée), et lorsque la pointe de l'ombre la coupe (du bon côté), il est midi moyen. On peut alors régler sa montre en intégrant les corrections légales d'été ou d'hiver ainsi que la valeur en temps de l'écart en longitude entre Saint-Franc et le méridien international. Il eut été possible de caler ce 8 non plus sur XII, mais sur 11 h 23 min, pour y lire directement l'heure légale d'hiver. En effet, Saint-Franc avance de 23 min sur Greenwich (en raison de sa longitude : - 5° 45' E), mais retarde de 60 min sur l'heure légale d'hiver (calée officiellement sur le méridien international + une heure, soit le méridien de l'Europe Centrale). Cette avance et ce retard aboutissent à un retard constant de 60 - 23 = 37 minutes. Donc installer un 8 sur 11 h 23 min donnerait bien directement l'heure de midi légale d'hiver.
Plus simplement, les graphiques ci_dessous montrent les heures de temps vrai où le Soleil passe par des azimuts remarquables, aux dates des 21 mensuels et à toute date, par interpolation à vue.



L'
image ci-contre, prise un jour de solstice d'été, illustre ce chapitre. L'ombre du style marque 4 h 32 min après-midi. Sa pointe touche l'hyperbole de déclinaison : 23° 26'.
La durée du jour clair sera de 15 h 30 min avec un lever à 4 h 15 et un coucher à 19 h 45. Le Soleil est levé depuis 12 h 17 min ; il se couchera dans 3 h 13 min.
Une dernière remarque montrera à quel point de tels cadrans peuvent être intégrés dans la vie d'une famille. Lorsque l'ombre tombe sur la sous-stylaire et se réduit ainsi à un simple trait, il est 15 h 42 min au Soleil, ce qui fait, pendant les vacances d'été, environ 17 h 19 / 17 h 23, sensiblement l'heure du thé. Lorsqu'ils étaient plus jeunes, les enfants qui avaient la chance de vivre auprès de ce cadran guettaient le passage de l'ombre sur la sous-stylaire pour accourir vers leur mère réclamer le goûter.
De leur côté, les grandes personnes guettaient le même phénomène, mais le matin, sur un cadran complémentaire de celui-ci. Il annonçait l'heure du facteur.