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CADRANS ANTIQUES
De l'ombre vint la lumière ...

Mesurer le temps : gnomons et cadrans solaires

Primitivement, l'évaluation du temps se faisait sans instrument et reposait sur l'observation du "mouvement apparent" du soleil. L'ombre de l'homme, d'un rocher, d'un arbre, l'apparition du soleil sur un sommet donnait une approximation du temps. [voir "horloges naturelles" ]
Ces constats conduisent au premier instrument : le gnomon. Il s'agit tout simplement d'un bâton que l'on dresse verticalement sur un plan horizontal. Quand et à qui attribuer cette découverte ? Difficile de répondre, les Chinois, les Chaldéens, les Egyptiens, les Grecs, mais aussi d'autres civilisations (Incas, Aztèques), ont utilisé les gnomons.
Avec cet instrument rustique, ils se sont livrés aux premières observations astronomiques. Ils déterminent entre autres, les solstices et les équinoxes, premières données utiles pour l'établissement d'un calendrier. L'indication du midi (quand l'ombre est minimale dans la journée) constitue une donnée importante et permet de structurer la journée.


De nombreux monuments néolithiques constituent de véritables horloges et calendriers solaires.



L'histoire des cadrans solaires est liée à celle de la mesure du temps et à l'histoire de l'astronomie.
Les dates indiquées ne sont pas à prendre à la lettre. Elles ne donnent que des repères.

Voir Etat des sources et transmission de l'astronomie antique
une conférence donnée par M. Denis Savoie à l'IAP le 4/01/2011

compte-rendu de la conférence
par Jean-Pierre MARTIN

On doit aux Egyptiens le découpage de la journée en 24 heures. Les Egyptiens observent le lever de 12 étoiles significatives. Ils en déduisent qu'elles divisent la nuit en douze parties égales. Ils appliquent au jour cette même règle. Les heures étaient nées et un jour en comportait 24. Ces heures avaient une durée inégale.


Les Babyloniens, en observant la position et le mouvement de certaines étoiles, constatent une périodicité : un cycle correspond à l'année. Ils divisent cette année en douze périodes égales. Ils donnent à chaque période le nom de la constellation qui apparait au début. L'ensemble forme le zodiaque.
Ils fixent la semaine à 7 jours et attribuent à chaque jour le nom d'une planète. Ils décident que le jour débute au lever du soleil.
Ils divisent cette heure en 60 minutes de 60 secondes.

Une série de versets de l'Ancien Testament indique que les anciens Juifs utilisaient le cadran solaire dès le milieu du VIIIème siècle av. J.C.
Un extrait des "Livres des Rois" fait allusion au cadran solaire ayant appartenu au roi Achaz : "Voici que, sur les degrés d'Akhaz, je vais faire reculer l'ombre qui est déjà descendue : elle reculera de dix degrés ..."


Cadran d'Achaz (?)
Musée égyptien du Caire
( n° 33401 )
instrument sculpté dans le calcaire
L'heure était lisible alternativement sur la plateforme supérieure, sur une face inclinée et sur des gradins

Selon Hérodote, les Grecs ont emprunté aux Babyloniens les techniques de construction des cadrans solaires. On attribue quelquefois l'invention du gnomon à Anaximandre de Milet. Ses connaissances en astronomie sont telles qu'il a contribué à la diffusion et à l'utilisation des cadrans solaires sans en être pour autant l'inventeur.
A partir du IVème siècle av. J.C., on voit l'apparition du polos (scaphé ou hemisphaerium). Il semble avoir été utilisé à grande échelle dans les cités grecques.

Scaphé (mot grec)
nom générique de tous les cadrans "creux" ou concaves
(IVème siècle avant notre ère)

Le scaphé grec : Une demi-sphère creusée dans la pierre représente exactement le ciel inversé. Si on place un point au centre de cette sphère, son ombre reproduit sur la pierre tous les mouvements du Soleil. Au cours de la journée, cette ombre décrit des arcs de cercles parallèles, plus ou moins haut suivant la date. A midi, l'ombre est située sur le grand cercle vertical orienté au nord.
Le style est placé verticalement. L'heure est indiquée par l'extrémité de son ombre. Il s'agit d'heures "inégales", encore appelées "temporaires" ou "bibliques". La durée du jour (entre le lever et le coucher du soleil) est divisée en 12.
A l'intérieur de la sphère, côté nord, les grecs gravaient trois lignes parallèles représentant les deux solstices (2 lignes extrêmes pour le 21 juin et le 21 décembre) et les deux équinoxes (1 ligne, utile deux fois par an, le 20 mars et le 23 septembre).
Ces cadrans n’ont pas de chiffres précis pour montrer les heures, matérialisées par 11 lignes plus les deux bords du scaphé qui vont découper la demie-sphère en 12 tranches. L'ombre de la boule évolue entre les deux lignes extrêmes (solstices).
Le scaphé romain : Comme toute la demi-sphère n'est pas utilisée, on peut n'en garder qu'une partie. On enlève la partie antérieure et on place le style horizontalement au dessus de la ligne de midi.


principe du scaphé : l'extémité su style (boule rouge) est le centre d'homothétie des deux figures constituées par la trajectoire apparente du soleil (grand demi-cercle) et par le scaphe (petit demi-cercle)

Vitruve, dans son ouvrage "De Architectura", attribue au prêtre chaldéen Bérose l'invention du cadran de type hemicyclium excavatum. Il s'agit certainement d'une innovation consistant à enlever de l'hémisphère du polos toute la partie inutile (qui n'est jamais parcourue par l'ombre du style).




Scaphe romain (moderne)
sculpté par un amateur gnomoniste
Saessolsheim (67)

Au cours du IIIème siècle av. J.C., les cadrans solaires font leur apparition à Rome. Les Romains empruntent aux Grecs leur gnomonique. Pline l'Ancien parle d'un cadran solaire (solarium horologium) qui aurait été installé en -293 près du temple de Qirinus.
Au cours de la première guerre punique La Première Guerre punique, qui couvre les années 264 à 241 av. J.-C., est un conflit naval et terrestre prenant place en Sicile et en Tunisie avec pour origine des luttes d’influence entre Rome et Carthage., on installe à Rome un cadran pris à Catane en Sicile. Il sera utilisé pendant 99 ans en donnnat des heures fausses car réalisé pour la latitude de Catane (37°31' N) et non pour celle de Rome (41°54'). Le premier cadran calculé pour la latitude de Rome ne sera installé qu'en -164.
A partir de cette époque, les cadrans se répandront sur tous les territoires placés sous l'autorité de l'Empire romain. La présence des cadrans solaires dans les lieux publics (places, temples, forum, théâtre) est signalée dans de nombreux textes. Les cadrans découverts sur les sites archéologiques confirme cette diffusion des cadrans solaires.


Les "cadrans antiques" sont tracés dans des volumes : portions de sphère, de cône, de cylindre, ... Ces cadrans antiques se retrouvent dans les musées.
Ce sont des cadrans à heures inégales (règle en usage jusqu'à la Renaissance).

Site de Nicolas Severino
Bibliographie Vitruve "De Architectura" Livre IX
  S.L. Gibbs "Greek and Romans Sundials" - 1976
  J. Evans "The History and Practice of Ancinet Astronomy" - 1988

Le numéro 354 des "Dossiers d'Archéologie" de nov/déc 2012, est dédié au "Temps chez les romains : perception, mesure et instruments".
D'autre part, le temps et sa perception dans l'Antiquité romaine est le thème d'une exposition à Amiens (80) prévue du 27 octobre 2012 au 24 mars 2013.

Consulter le dossier de l'exposition (PDF - 14,7 Mo)

Les scaphés redevenus "à la mode" ...
New York : Central Park
entrée NW 5th Ave. et 72nd St.
Banc public en béton présentant un scaphé romain avec un style en bronze représentant une silhouette de femme

Marseille : Palais Longchamp
Observatoire Astronomique de Marseille Provence

scaphé grec moderne, gravé et peint sur pierre de synthèse, circulaire,
style droit
réalisation J.M.Ansel