Au
XVIIème siècle, en France et en Italie, les deux seuls pays
où ils semblent avoir prospéré, on appelle "cadrans catoptriques"
(*1*) des cadrans solaires dont le style
est remplacé par un miroir, généralement horizontal et disposé sur l'appui
d'une fenêtre, où vient tomber un rayon de soleil, qui en repart sous
un angle de réflexion égal à l'angle d'incidence et arrive sur les murs
ou le plafond d'une pièce obscure. Non seulement des cadrans complets
ont ainsi été créés, mais aussi de simples méridiennes, ou bien des
signaux lumineux, fugaces, destinés à manifester une heure particulière,
chaque jour, ou encore la combinaison d'une heure et d'un jour déterminés;
dans ce dernier cas, on repère, en réalité, un couple de jours appariés
par une égale déclinaison du Soleil.
L'idée de cette gnomonique par réflexion, peut-être née du hasard, a
occupé les meilleurs esprits et bien souvent donné naissance à des oeuvres
d'une telle beauté et d'une telle richesse scientifique qu'elles ont
fait ranger leurs créateurs parmi les plus savants et les plus illustres
gnomonistes de l'histoire universelle des cadrans solaires. On les trouve
surtout dans des édifices religieux ou pédagogiques, mais aussi dans
des demeures profanes et prestigieuses. Toujours, ils manifestent des
victoires sur d'énormes difficultés de conception et de construction.
Curieusement, c'est dans leur enfance ou leur adolescence que des personnages
promis à la célébrité, dans l'astronomie ou dans d'autres disciplines,
ont été attirés par ces jeux du Soleil parcourant les murs. Isaac
Newton (1642-1727), pendant les vacances scolaires chez sa grand-mère,
avait tracé un cadran à réflexion sur le plafond de sa chambre. A peu
près à la même époque, un autre petit Anglais, alors âgé de seize ans,
Christopher
Wren (1632-1723), créait un cadran plafonnier dans sa chambre.
C'est ce même Wren qui, plus tard, donna les plans de l'église Saint-Paul,
à Londres et, surtout, acquit une renommée européenne en reconstruisant
la Cité de Londres détruite par le "Great Fire" de 1666. Cette performance
prend toute sa mesure si l'on précise que, dans le champ de ruines qui
s'étendait devant lui, s'entassaient les débris de plus de cinquante
églises. Des créations plafonnières identiques, mais plus anciennes,
figurent à l'actif du très jeune Nicolas
Copernic (1473-1543), orphelin recueilli par deux oncles.
Les cadrans solaires monumentaux, à réflexion, encore visibles et bien
décrits, composent la toute petite liste suivante où l'on remarque immédiatement
que tous les créateurs furent des religieux de haute volée intellectuelle
:
avant 1560 Saint-Antoine
en Dauphiné : église abbatiale.
escalier du clocher,
murs cylindriques, fût central, dessous des marches.
oeuvre de Jean
Borrel - dit ButéoJean Borel (ou Borrel) (Johannès Buteo)
mathématicien de la Renaissance (1492 ? -1564 ?), religieux
antonin et fils d'un seigneur d'Espenel dans la Drôme, fait
ses études au monastère dont il sera pendant deux ans abbé,
avant de publier d'importants ouvrages de géométrie et d'algèbre
en particulier pour réfuter les tenants de la "quadrature du
cercle" dont son maître et compatriote le célèbre Oronce Fine.
Constructeur de machines et de cadrans solaires, Jean Borel
est l'auteur de "la Logistica", d'une analyse sur les cadenas
à combinaison (ancêtres de la machine à calculer de Leibniz).
, antonin.
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1637 Rome. Couvent
de La Trinité des Monts.
galerie du cloître, voûte
cylindrique, murs.
Emmanuel
Maignan, minime. 1601-1676.
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1644 Rome. Palazzo
Spada, piazza Capo di Ferro.
Voûte cylindrique d'une
galerie.
Emmanuel Maignan,
minime. 1601-1676.
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1673 Grenoble. Collège
des Jésuites (actuel lycée international Stendhal).
2 plafonds et 4 murs
dans l'escalier central.
Jean Bonfa
Le père Bonfa est né à Nimes en 1638.Il étudie en Avignon où il
rencontre le père Athanasius Kircher qui lui enseigne l'art de la
construction des cadrans solaires.Il passe trois ans à Grenoble à
partir de 1663 et y réalise ce cadran solaire unique en son genre. Il
eût pour élève le célèbre astronome Cassini.Il meurt à Avignon en 1724.
, jésuite. 1638-1724
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Cette courte liste appelle des commentaires :
1°) Les deux créateurs certains sont des disciples de l'illustre jésuite
allemand Athanasius
Kircher (1601-1680) qui a consacré à la gnomonique d'innombrables
pages où le cadran à réflexion tient une large place. Il pourrait avoir
également tracé des cadrans de ce type, sans doute disparus ou inconnus.
2° Le père Maignan a été aidé par son jeune disciple, le père Jean-François
Nicéron, minime (1613-1646), à qui l'on attribue aussi des créations
non localisées. (*2*)
3°) Le père Bonfa a aussi créé un cadran à réflexion à Avignon, dans
le collège des jésuites, extrêmement délabré.
4°) Il existe un cadran à réflexion dans l'escalier de la chapelle gothique
d'une commanderie, dans le village de Saint-Sauveur de la Foucardière,
près de Châtellerault, dans la Vienne. Il serait du même genre que celui
de Saint-Antoine en Dauphiné mais en mauvais état.
5°) Enfin, le père Maignan est crédité d'autres cadrans à réflexion,
à Toulouse, sa ville natale, à Aubeterre sur Dronne (Charente et non
Dordogne, comme on le lit souvent) et à Bordeaux. Mais nos recherches
dans ces trois villes n'ont encore pu que faire douter fortement de
ces hypothèses.
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