Un cadran canonial (en anglais mass dial ou scratch dial) est une marque lapidaire de petites dimensions, de quelques dizaines de cm, que l’on trouve sur les façades sud des édifices religieux médiévaux. Un tel cadran a la forme d'un demi-cercle (parfois d'un cercle complet) divisé en 4, 6, 8 ou 12 secteurs égaux.

Au centre du cercle, une tige horizontale, probablement en bois, perpendiculaire au mur, projetait une ombre servant à indiquer, au long de la journée, les moments de prière. Les tiges d'origine ont disparu, laissant un trou circulaire.
Par convention, lorsque l’ombre du "gnomon" tombait sur une ligne droite, telle prière devait être faite ou tel office célébré. Ils ne comportaient aucune indication chiffrée. La précision horaire de ce cadran est inexistante puisque le style est horizontal et perpendiculaire à la paroi de l'édifice sur lequel il est fixé. Ce n'est qu'un "marqueur d'évènements".

Aux VI^e et VII^e siècles, chaque congrégation avait son propre rite et le nombre de graduations (de secteurs) des cadrans varie. Vers le VIII^e siècle, la règle de saint Benoît, utilisée par les bénédictins et plus tard par les cisterciens, s'impose. Les sept offices sont : Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies.
On appela alors ces cadrans "canoniaux" parce qu'ils servaient à marquer les heures canoniales.

Sur certains cadrans, on remarque des lignes rayonnantes dans la moitié supérieure du cercle. Elles ne peuvent pas indiqué d'heure. Pourquoi ces lignes supérieures ont-elles été tracées ?
- pour des raisons esthétiques (symétrie ?)
- ces cadrans sont-ils plus récents et a-t-on voulu imiter les premiers cadrans d'horloges mécaniques (à 24 h) ?

Ils se trouvent habituellement sur une façade sud et sont à hauteur d'homme, placés au niveau des yeux.

Ils se situent souvent près d'une porte d'entrée, sur un contrefort, sur les jambages ou linteaux de portes et de fenêtres.
Sur des abbayes ou collégiales, ils sont gravés avec soin, mais sur certaines petites églises, leur facture est très sommaire et rudimentaire (seulement quelques traits). Ils peuvent être assez grossièrement gravés ou sculptés dans la masse. Il est parfois difficile de les distinguer d'un graffiti.

On peut trouver un cadran canonial ailleurs que sur une façade sud d'église. Cela signifie généralement qu'il a été déplacé de sa position originale, souvent à la suite de travaux de reconstruction ou de restauration. Reposés et réutilisés n'importe comment, quelquefois à l'envers, ces cadrans ont perdu leur fonctionnalité et leur usage, ce qui les rend illisibles.
A la suite d'ajouts de construction (sacristie, ballet, ...), on peut retrouver des cadrans à l'intérieur d'un édifice, bien à l'abri des rayons du soleil ! Ce qui assure leur protection.
Beaucoup de cadrans canoniaux disparaissent à la suite de ravalements de façade ou d'un meulage de pierres.

Comment expliquer la présence de plusieurs tracés de cadrans canoniaux sur une même église ? On peut supposer : "un cadran pour l'été, un pour l'hiver, puis un par saison, voire un par mois" !
Sur certains cadrans, on peut observer des ajouts de lignes au fil du temps, sans doute pour apporter des "corrections" relatives à la dérive au cours de l'année.
On peut aussi expliquer ce fait avec un changemet de curé : "nouveau vicaire, nouveau cadran !" ou un changement de rite religieux.
S'agit-il d'essais successifs?

Tracés sur des pierres friables ou gélives, ces cadrans sont souvent vulnérables. L'érosion naturelle, les dommages causés parfois par une végétation envahissante ou par des actes de vandalisme ont contribué à leur déradation partielle ou totale. Il est possible que de nouveaux tracés aient été réalisés sur les parties effacées.

On ne peut écarter les "copier-coller" s'apparentant à des graffitis.

Sur la nef de l'église de Méry-Corbon (14), on peut observer 9 tracés de cadrans canoniaux ou de pseudo-cadrans.

Dans "Les cadrans solaires tourangeaux" [in Mémoire de la Société Archéologique de Touraine - 1922], le Docteur Dubreuil-Chambardel signale l'existence de cadrans canoniaux multiples sur des églises en Touraine. Il écrit : "La pierre tendre de notre région s'effritait facilement et le cadran était ainsi bientôt détruit ou privé de son style. On se contentait alors d'en tracer un autre à côté, qui avait le même sort, et c'est ainsi que sur certains murs on peut voir encore les traces de plusieurs de ces cadrans juxtaposés."

Un état, dressé par Denis Schneider fin 2008, à partir de l'inventaire des cadrans solaires de la Commission des Cadrans Solaires de la SAF, donne 1305 canoniaux répartis sur 867 édifices religieux. "Cela signifie déjà que sur un même bâtiment on peut trouver plusieurs canoniaux : 279 bâtiments se partagent 849 canoniaux multiples, soient les 2/3 des canoniaux. Les 849 canoniaux multiples se groupent ainsi selon leur nombre sur un même édifice : 141 édifices religieux ont 2 cadrans canoniaux, 70 en ont 3; 39 en ont 4; 10: 5; 5: 6; 6: 7; 1: 8; 3: 9; 2: 10; 2: 12. 588 édifices sur 867 n’ont qu’un canonial (2/3 des édifices religieux)".

Il est très difficile de distinguer des ébauches de cadran cananial, des graffiti ou desmarques lapidaires, sans oublier les signes ou croix de pélérinages. Les marques de tâcheron sont fréquentes sur les édifices romans et prennent des formes géométiques qui peuvent s'apparenter à des cadrans canoniaux sommaires.
Le graffiti peut aller de simples marques de griffures à des gravures sur murs élaborées. Le graffiti est employé pour délivrer un message politique et social, cas de prisonniers dans leurs cellules, ...

Le cadran de chantier, ancêtre de la "pointeuse" est tracé sommairement par le chef de chantier pour que chacun respecte le temps de travail. Il est souvent tracé à main levée, bien placé pour être visible du plus grand nombre d'ouvriers. Un exemplaire se trouve au Musée du Louvre sur la façade de la Grande Galerie, le long de la Seine, à gauche de la porte Lefuel. Il est situé à 9 m environ de hauteur.
Dans les régions d'irrigation de terres agricoles, le partage de l'eau est primordial. La mesure du temps d'écoulement des eaux et la rotation des parcelles à arroser étaient régies entre les habitants selon des chartes ou conventions propres à la communauté. Des cadrans solaires ou "des pierres de partage de l'eau", semblables à des cadrans canoniaux, permettaient de "mesurer et partager les temps d'eau".