Deuxième
question : à quels (grands) cercles Dante a-t-il pensé ?
Avec ces sept coordonnées, plus les cercles sur lesquels on
les mesure,
nous comptons douze cercles nommés : hauteur, horizon, colure, azimut,
méridien, angle horaire, déclinaison, équateur, ascension droite,
écliptique, longitude écliptique, latitude écliptique. Il n’en faut que
quatre. Lesquels éliminer, sachant que certains cercles portent deux
noms tautologiques et que d’autres s’absorbent en un seul, manifestant
plusieurs coordonnées simultanément ou une coordonnée et un référentiel
de mesure.
Nous observerons que, puisque nous sommes à la latitude 0°, sur le
colure des équinoxes et au point gamma :
1°) sur l’équateur se superpose le cercle de déclinaison 0° et l’azimut
-90°.
2°) sur le colure des équinoxes se superposent le méridien -90°,
l’angle horaire -90°, l’horizon (devenu perpendiculaire à l’équateur),
le cercle d’ascension droite 0°, le cercle de hauteur 0° (parallèle à
l’horizon).
3°) sur l’écliptique s’absorbe le cercle de latitude écliptique 0°
4°) le cercle de longitude écliptique 0° reste indépendant, mais passe
par le point gamma, sur le colure des équinoxes où il forme, avec
l’écliptique, une autre croix régulière, mais inclinée sur le cercle de
l’équateur.
Nous voilà ramenés à quatre cercles bien différenciés et deux croix,
celle qui est formée par l’écliptique et son cercle de longitude
écliptique; celle qui est formée par les cercles confondus sur
l’équateur, avec les cercles confondus sur le colure des équinoxes. Ces
deux croix sont parfaitement régulières : leurs branches se coupent à
angle droit, mais elles mobilisent déjà quatre cercles. Pour former la
troisième croix il faudrait réutiliser celle que forment colure et
équateur et choisir pour le cercle du colure, un autre nom et le dessin
N°2 montre que le choix est vaste ! Aussi presque tous les
commentateurs rejettent la croix écliptique. Certains rejettent aussi
l’écliptique ; d’autres l’admettent (et arrivent déjà à trois cercles),
mais doivent alors lui faire former une croix avec l’équateur et cette
croix est bien loin d’être régulière. En effet, l’intersection dessine
deux angles de 23°26’ opposés par le sommet et deux angles de 66°34’
également opposés par le sommet. Est-ce encore une croix ? Tout
héraldiste appellerait cette figure un sautoir et c’est bien différent.
Point de discorde majeur chez les dantologues.
Il faudra donc choisir en fonction de ce que nous penserons que Dante a
pensé. Ces deux hypothèses, en négligeant leurs variantes, se
caractérisent ainsi :
L’une accepte cette croix oblique ; l’autre lui préfère le méridien qui
forme une croix bien régulière avec l’équateur. Les deux reprennent
aussi l’horizon. Elles s’accordent donc sur trois cercles et divergent
sur le quatrième :
1°) colure,
écliptique, équateur, horizon forment deux croix et une
pseudo-croix.
2°) colure, équateur, horizon, méridien forment trois croix régulières,
mais superposées, au moins un court instant, au lever équinoxial. Un
seul cercle coupe l’équateur et on lui donne trois noms. Pourquoi
seulement trois ? Est-ce à dessein que Dante est si obscur ?
Pour les (7+1) cercles rejetés, en combinant les deux hypothèses, on
peut proposer les justifications suivantes :
1°) le cercle de hauteur 0° est confondu avec le colure et l’horizon.
Il n’est qu’un autre nom de l’horizon.
2°) le cercle d’azimut -90° est confondu avec l’équateur
3°) le cercle méridien -90° est confondu avec le colure des équinoxes
4°) le cercle d’angle horaire est rejeté unanimement parce que, pour
Dante, l’heure est canoniale, à la rigueur, italique.
5°) le cercle de déclinaison 0° est confondu avec l’équateur dont il
n’est qu’un autre nom
6°) le cercle d’ascension droite est confondu avec le colure des
équinoxes
7°) le cercle de latitude écliptique 0° est confondu avec l’écliptique
dont il n’est qu’un autre nom
8°) le cercle de longitude écliptique 0°, presque unanimement rejeté,
n’est considéré que pour la graduation qu’il marque sur le cercle
écliptique lui-même, le point vernal. Ou bien il est rejeté et
l’écliptique forme une croix oblique avec l’équateur, ou bien il est
retenu et il forme une croix régulière avec le cercle écliptique, mais
cette croix est, en général, rejetée.
Dans les deux hypothèses les trois croix se superposent au point
vernal. C’est un maillage, indépendant de la date, indépendant de la
présence du Soleil. Les trois croix de la seconde hypothèse se
superposent parfaitement ; dans la première hypothèse, la superposition
ressemble à un astérisque irrégulier. Il nous semble impossible
d’écarter cette idée, que Dante a pensé à cette superposition, dès lors
qu’un cercle doit couper les trois autres en un seul point, et l’a
admise.
Accepter un méridien implique de l’identifier. Pour Dante, le monde
connu est balisé par le méridien du Gange (longitude -90°E), celui de
Jérusalem qu’il place au milieu du monde et celui de Gadès (Cadix,
longitude 6° W). Il ne place pas la fin du monde à Cadix, mais, plus à
l’ouest, sur le grand Océan, les repères manquent.
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