Avant troncature, on peut penser que les 8 faces
trapézoïdales étaient des triangles équilatéraux qui formaient ainsi un
octaèdre régulier; cette amputation a pour but de permettre la pose du
solide, ainsi devenu un décaèdre, sur une face carrée, tandis que la
face opposée devient un cadran horizontal. On pourrait dire « cadran
d’azimut » en raison de la présence de 24 rayons équiangulaires et d’un
trou au centre, pour un gnomon vertical. Le tracé de la face entre le
pouce et l’index serait à calculer pour un cadran méridional incliné
vers le ciel et la face sous le pouce gauche serait un méridional
incliné vers le sol.
Dans cette configuration, la face entre le compas et la main
droite
serait un cadran oriental incliné vers le ciel. Les 6 autres faces
tracées seraient tout aussi facilement définies.
C’est donc ici que surgissent les étonnements :
1°) le tracé équiangulaire de la face orientale
supérieure est erroné
et mal limité.
2°) le tracé, sensiblement équiangulaire, de la face
méridionale
supérieure est, lui aussi, lourdement erroné ; la latitude déjà élevée
de Londres (51°30’) et l’inclinaison de la face devraient presque en
faire un cadran polaire aux lignes horaires parallèles entre elles.
3°) le tracé de la face carrée est-il bien destiné à une
utilisation en
rose azimutale ? La numérotation des rayons semble horaire.
4°) ces anomalies sont-elles imputables à Kratzer ou à
Holbein ?Cette
dernière question restera forcément sans réponse certaine.
En revanche,
Holbein, lui-même, a apporté involontairement, des éclaircissements sur
les trois premières interrogations. En effet, en 1533, il a peint un
chef d’œuvre,« Les
Ambassadeurs », qui figure parmi les pièces
maîtresses de la National Gallery, à Londres.
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Ce
tableau qui passe les 4 mètres carrés, représente Jean de Dinteville
(1504 – 1557) et Georges de Selve, évêque de Lavaur (1506 – 1541)
envoyés par François Ier à Henry VIII, pour négocier, en vain, une
alliance franco-anglaise et, sur la table des présents, près du coude
de Georges de Selve, figure l’octaèdre tronqué, assez bellement terminé
pour devenir cadeau diplomatique, avec un turquet et un cadran de
berger, parmi bien d’autres instruments de prestige.
« Les Ambassadeurs » ont été commentés, analysés et
psychanalysés
presque à l’égal de « La Joconde ». Tout homme un peu cultivé s’est
arrêté, plusieurs fois, devant eux, sans oublier de les regarder
tangentiellement, pour voir l’os de seiche s’anamorphoser en tête de
mort, et méditer sur son propre trépas et la vanité de ce monde.
L’octaèdre sur lequel travaillait Kratzer est ici achevé.
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Nous voyons 4 styles polaires, de forme triangulaire, ce qui
donne à
penser qu’il y en a 8, un sur chaque face trapézoïdale. Le cadran de la
face carrée horizontale supérieure est équipé d’un gnomon vertical.
Certains commentateurs ont glosé sur le fait qu’ils verraient deux fois
10h 30 et une fois 9h 30. Pour notre part, nous voyons 9h 30 sur la
face trapézoïdale gauche, pas d’ombre sur la face trapézoïdale droite
et une ombre impossible à localiser sur la face carrée. Mais, tout cela
est pure fantaisie (ou symbolisme à élucider), car :
1°) on ne peut comparer les ombres produites par des
styles polaires
avec celle produite par un gnomon vertical trop long.
2°) le cadran n’est pas en station correcte. Il devrait être
posé sur
une face carrée et non sur une face trapézoïdale.
3°) il repose sur une table, elle-même située dans une pièce
où n’entre
pas le Soleil.
En revanche, nous ne pouvons que maintenir nos remarques sur
les tracés
incorrects et l’emploi du gnomon pour la face supérieure. Nous devons
même ajouter encore une remarque critique : comment la boussole sertie
dans la face méridionale inclinée vers le ciel, pourrait-elle
fonctionner, puisque, justement, cette face est inclinée ?
Alors qui
est le fautif, Kratzer ou Holbein ?
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L’octaèdre,
tronqué en décaèdre, est figuré en rouge, sans perspective.
On voit que sa face méridionale inclinée vers le ciel, tout comme sa
face septentrionale inclinée vers le sol, s’établissent dans un plan
quasi-polaire, puisque : (109°28’16’’ / 2) – 51°30’ = 3°30’ arrondi ;
différence peu perceptible pour le spectateur qui verrait un tracé
strictement polaire.
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