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"In Snefells Yoculis craterem descende"retour

Texte proposé par M. Paul Gagnaire - 16 juin 2013



Au petit matin du mardi 16 juin de l’an 1863, un groupe de trois cavaliers quittait Reykjavik. En suivant, par les routes, les bacs et les chemins, la voie côtière du vaste golfe de Faxa, ces voyageurs se promettaient d’atteindre, en une dizaine de jours, quinze, tout au plus, le sommet du Snefellsjokull qui dresse ses 1448 mètres tout à l’extrémité ouest de la péninsule des Snefells. Là, à une longitude de 24° W, s’arrête l’Europe.

 L’illustre Professeur Otto Lidenbrock, de l’Université et de la « ville libre et hanséatique » de Hambourg, son neveu Axel et leur guide, Hans, réputé chasseur d’eiders, trottaient, marchaient ou voguaient vers le passage secret qui donne accès au centre de la Terre.

Dès le titre, notre aimable lecteur a reconnu le récit célèbre de Jules Verne, paru en 1864, « Voyage au centre de la Terre » qui a enchanté nos jeunes ans.



© Extraits du livre "Voyage au centre de la terre" - Jules Verne

Sans renier notre plaisir d’alors, nous pouvons nous arrêter sur trois particularités du roman qui intriguent le gnomoniste.

 1°) l’auteur du grimoire qui a mis en route le Professeur et ses acolytes, est Arne Saknussem, savant alchimiste du XVIème siècle dont les œuvres furent brûlées par la main du bourreau en 1573. Lorsque Saknussem parle des calendes de juillet, se réfère-t-il au calendrier grégorien ou julien ? Son grimoire a-t-il été écrit avant ou après 1582, car il a bien pu vivre avant et après la réforme grégorienne. Verne n’en dit rien. Notre question est légitime, car la date signalée par le savant correspondra, en 1863, au 30 juin ou au 10 juillet selon le calendrier choisi, soit 10 ou 20 jours après le solstice d’été. Dans le premier cas on peut admettre que la déclinaison du Soleil est quasiment encore solsticiale ; l’approximation n’est plus licite dans la seconde hypothèse.

La suite du roman montre que Jules Verne raisonne en calendrier grégorien puisque le Professeur se fixe comme limite le 28 juin 1863, date qui sera effectivement la bonne, avec un Soleil méridien culminant pratiquement à la même hauteur que le Soleil solsticial.

2°) le phénomène que sont venus guetter nos héros se produit le dimanche 28 juin à midi solaire : l’ombre du pic Scartaris vient, au fond du cratère, lécher celle des trois cheminées du volcan qui conduit au centre de la Terre et le jeune Axel remarque qu’il est exactement 1 heure et 13 minutes du soir.





© Cartes

Cette assertion nous plonge en plein mystère. Quelle heure le Professeur a-t-il installée sur sa montre ? Nous sommes en 1863, en Islande, et la réponse n’est pas douteuse : en quittant Reykjavik, le Professeur a consulté une horloge publique et a réglé sa montre sur ses indications. Ce ne peut être que le temps moyen de Reykjavik, longitude 21°50’ ouest. Donc, au fond du cratère du Sneffels, longitude 23°50’ ouest, la montre du Professeur avance de 8 minutes. Comme l’équation du temps, le 28 juin 1863, vaut, environ, - 3 minutes (- 2minutes et 48 secondes), le midi solaire, vrai, local, correspond à 12 heures 5 minutes de temps moyen de Reykjavik.

Admettons que Jules Verne ait pensé « retard » au lieu de « avance », petite distraction pardonnable à un scientifique, il en résulterait simplement que le midi solaire correspondrait à 12h 11 minutes, mais certainement pas à 13h 13m. L’Islande pratiquait-elle l’heure d’été ou bien l’heure du fuseau, avec Greenwich comme méridien-origine ? Les deux hypothèses seraient à explorer.

3°) un dessin, avec les mesures indiquées dans le roman, ferait donner au pic Scartaris une hauteur de 450 mètres au dessus du cratère, ce qui semble quelque peu excessif au vu des photos découvertes.

© Schéma P. Gagnaire
à droite, pic Scartaris