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Cadran de la collégiale
de Saint-Bonnet-le-Château (42)
© Paul Gagnaire
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" C’est l’heure de prier pour les morts "


*Depuis la Place des Fours banaux, le visiteur empruntera une brève mais violente montée qui le fera longer, à main gauche, la totalité du mur méridional de la collégiale, jusqu’à l’entrée d’une chapelle basse qui se prolonge sous le chœur et qu’on appelle parfois « la crypte ».

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Il s’agit, en réalité, de l’oratoire d’Anne-Dauphine de Bourbon, comtesse de Forez, épouse du duc Louis II de Bourbon. Cet oratoire, ainsi que la collégiale actuelle, furent bâtis au XVème siècle, mais un vitrail moderne, copie d’ancien, nous montre Anne-Dauphine sortant de son oratoire en 1403. Sur ce vitrail ainsi que sur les images de l’album, on distingue très bien les trois grandes baies gothiques qui donnent accès à l’oratoire par une sorte de narthex. C’est sur le contrefort-pilier qui soutient les deux premières voûtes que se trouve le cadran solaire.

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Porche d’entrée dans la crypte Vitrail montrant Anne_Dauphine sortant de l'oratoire en 1403 Pilier portant le cadran solairee

Le Cadran solaire
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Protégé par un très court larmier et occupant toute la largeur du contrefort, le cadran solaire déploie ses lignes horaires sur deux blocs superposés, bien mal jointoyés, d’un granit foncé que le ciseau du lapicide a eu peine à inciser. Juste en dessous de l’encadrement inférieur qui ferme la ronde des heures, se lit sans hésitation la date 1730 encore que certains aient cru pouvoir lire un 6 en quatrième position ; puis encore en dessous, sur trois lignes maladroitement superposées, on déchiffre la devise : « C’est l’heure de prier pour les morts ». Cette devise ne se rencontre jamais sur aucun autre des milliers de cadrans dépouillés par la Société Astronomique de France, ce qui pourrait donner à penser qu’elle trouve sa justification dans la petite niche qu’elle surmonte et qui, alors, aurait servi à abriter un cierge ou une bougie se consumant en l’honneur des morts ou de défunts bien particuliers comme ceux dont on célèbre la quarantaine, ou la messe du bout de l’an, ou ceux qu’on prie et pour lesquels on prie le 2 novembre. Une sorte de lanterne des morts de dimensions modestes. Alors, lignes d’heures, devise et lanternon formeraient un ensemble indissociable. L’idée mérite de nous retenir.
Une autre idée est notable dès à présent : il s’est écoulé plus de trois siècles avant qu’on n’ait pensé à graver un cadran solaire sur ce contrefort, alors que la petite niche remonte au XVème siècle. De la niche à la devise ; de la devise au cadran ; une chronologie possible.

Valeur gnomonique du cadran solaire

*Sur l’image ci-contre les tracés des lignes horaires et les chiffres qui les numérotent, ont été renforcés. L’examen qu’on peut ainsi conduire plus facilement apporte des résultats fortement contrastés :
- en haut à gauche, la ligne de VI heures matin (probablement numérotée IV) forme un petit angle avec l’horizontale, ce qui est normal et bien vu puisque le cadran n’est pas strictement méridional mais décline vers le Sud-Est d’une dizaine de degrés.
- la ligne qui lui fait suite, VII matin, a dû être numérotée IIV, tout comme après on trouve le chiffre IIIV pour VIII matin. En revanche le IX qui termine la série du bord gauche est bien la bonne marque pour IX matin.
- on ne voit pas la ligne VIII sur les photos récentes mais elle existe bien, au dessus de l’ombre du style. (voir la photo ancienne ci-dessus à droite).
- le style est correctement dévié à gauche pour convenir à la déclinaison Sud-Est du cadran mais il est bien trop plaqué sur la table, accidentellement, sans doute.
- les angles des lignes horaires sont globalement acceptables mais, tout de même, tracés avec un certain relativisme. Il est vrai que tailler du granit ne doit pas être facile. Néanmoins, on peut comparer ce travail à celui qu’a réussi le cadranier de Saint-Hilaire-Cusson-la-Valmitte en 1742 ( 1712 ?) ; la différence de maîtrise entre les deux hommes est éclatante.